La Machine 3000 tours:

le mouvement de la musique
ne pouvait être autre chose
que gestuelle
à la recherche
d’une ombre
à démanteler, d’une ombre
à irradier.
La vitesse de
la lumière et celle du son, l’une et l’autre
se rejoignant peut être,
en nébuleuse planétaire,
amas d’étoiles

La machine 3000 tours (machine de menuiserie, enregistrée puis diffusée) préparation, montage à l’intérieur d’un dispositif mis en branle à l’intérieur d’une boucle, elle se laisse regarder, une boucle à échelle humaine;
L’expérience du silence comme: «absence de toute intention» tel que l’a pensé J.Cage dans sa pièce « 4’33 » est une oeuvre à continuer (lui même joue sur des temps qui nous sont donnés à entendre ou à ne plus entendre à l’intérieur d’une chronologie dont l’objet même est sa transformation sur le vif à raviver), ainsi l’écoute faite lors de cette expérience reste pour nous dans l’ordre de l’imaginable tout en restant bêtement objectivée (sa subjectivité ne pouvant plus opérer d’une immédiateté), étant donné l’incapacité à nous déplacer des oreilles dans un temps (1952) où les bruits urbains, les signaux sonores, les pressions acoustiques, n’étaient absolument pas les mêmes.
«La musique que nous faisons quand il n’y a pas de musique» ( J.Cage à propos de 4’33) ne peut être que mentalement vécu, autrement dit « fabulée » parce qu’ un demi siècle d’écart nous sépare de cette expérience, ainsi elle se retrouve dans l’incapacité à produire un effet, quel qu’il soit, en dehors de sa conception, c’est pour cela qu’elle ne doit pas nous faire cesser de réagir à travers la pensée, afin de pouvoir s’en dégager, s’en décharger.
Le degré d’envahissement des différents espaces par le son, (tel un gaz inodore pénétrant presque tous les orifices) est arrivé à un point de saturation touchant les limites propres aux espaces que nous traversons où encore avec lesquels nous vivons et celui ci nous porte à l’abrutissement presque total (sans douleur, apparente) : les centres commerciaux d’où le son assourdissant ne peut s’échapper, il stagne à travers un brouhaha fourmillant (les fréquences et volumes sont les mêmes, ininterrompues), une sorte de bourdon entêtant ; la diffusion de sons, de «musiques» à travers des hauts parleurs ,des enceintes, se retrouvent partout, le son a même un rôle d’accompagnateur de premier choix (ce choix ne dépend bien évidemment d’aucun d’entre nous) à travers nos sorties urbaines et mêmes «campagnardes» en sont des exemples infernaux.
Voilà pourquoi reconstituer l’environnement Cagien de cette pièce (4’33) ne nous intéresse pas mais continuer d’y réfléchir comme expérience sonore vivifiante où le sol n’est plus fixé, et surtout arriver à en extraire la teneur profondément critique (sans se satisfaire de l’aspect théorique) à travers l’immanence d’une expérience poétique intense là où on ne l’attendait pas.
Pour cela ( en dehors d’une raison donnée) il nous semble important de penser à avant (avant de se retrouver dans des lieux de représentations)ce temps d’où nous venons, duquel nous ne pouvons faire abstraction étant donné la multitude de sons emmagasinés. Nous construisons des filtres, une sorte d’armure invisible, afin d’éviter la violence des bruits, nous nous protégeons : combien de gens vivent au bord des autoroutes ou nationales et disent : «on s’y est habitué, nous ne l’entendons plus… » nous nous rendons sourd, afin de ne plus subir ce taux sonore intempestif qui nous empêche d’entendre tous les « bruits » que forment le silence. Ces bruits là, ne font l’objet d’aucune volonté de puissance, ils peuvent être minuscules, seulement ils sont écrasés par l’amplitude, la masse des bruits, véritable épée de Damoclès, dirigée contre nous afin de nous astreindre à un silence écrasé, forcé, celui ci nous empêche d’écouter, d’entendre ce pour quoi nous vivons : un silence fait de bruits (de vies) qui nous échappent. Pour écouter le silence et sa musique (non pas comme volonté à être dans l’écoute, celle ci reste une représentation, mais vraiment être écoute sans intention, se laisser traverser) nous passerons d’abord par l’expérience d’un bain commun, d’une lave commune, celle ci peut être douloureuse, à chacun de choisir, mais elle prends corps avec la machine 3000 tours.
Cette machine 3000 tours touche des fréquences limites, à laquelle l’oreille n’est pas habituée (ce qui risque de lui faire mal ) en même temps ses fréquences balaient une étendue très large allant de …..db à ……hz ou kh .
Pour nous il s’agit d’une expérience où tout le raffut de notre entourage sonore domestique par lequel nous sommes marqués est comme pris en charge par cette machine qui va engager des sons plus ou moins identifiables (une sorte d’exutoire) tout en les dépassant d’intensité, elle va se diriger vers une pression acoustique rarement égalée jusqu’à opérer un balayage. Ici (dans l’espace plus que dans le temps) le signal sonore, à la porte de nos oreilles, se transforme en un galimatias de toutes les manifestations sonores dont notre mémoire se souvienne. Grâce à ce signal unifiant tous les sons,
Il devient palpable, l’émergence d’un silence non organisé apparaît (par une opération dont je ne connais que les composantes), ce silence révèle chaque bruit avec une acuité éclatante (ils tranchent et percent l’atmosphère).
Le son se déplace, nous ne sommes pas pris entièrement à l’intérieur d’une spatialisation, au contraire les paramètres de l’espace interviennent de manière aléatoire, cela échappe à un contrôle.

L'orifice palpébrale (suite)